Notes de scénographie
1-Les questions scéniques à résoudre :
"Pour Fuck you Eu.ro.pa la difficulté à trouver un cadre scénique résidait dans le fait que le personnage de Nicoleta, dans ce monologue autobiographique est seule en scène, accompagnée en live par un guitariste (choix scénique de la metteur en scène).
L'écriture du texte s'appuie sur des bribes de souvenirs d'enfance durant l'ex-URSS.
Comment représenter son espace mental qui oscille entre souvenirs d'enfance et vision fantasmée de l'Europe. Dès lors comment donner corps à celui ci? Que connaissons nous de l'atmosphère quotidienne de l'ex URSS? comment représenter l'Europe? (symboles, esthétique) Qu'est ce qui les rapproche et les différencie? Puis comment ne pas tomber dans la caricature des deux et de leurs symboles...etc
La place du musicien en scène?
L'autre difficulté était la place du musicien sur scène. Doit il être seulement là, au titre assumé de musicien? Incarne t'il un personnage, un symbole particulier (ex: la jeunesse européenne). Accompagne t'il seulement musicalement le personnage. bref un nombre considérable de questions où la frontière entre mise en scène et mise en espace est poreuse.
2-Définir le parti pris scénique :
Avant toute chose il était essentiel une fois le propos bien entendu de définir le parti pris de mise en scène et ainsi du cadre scénique. Dans le cas de ce spectacle, j'ai écrit le texte-dialogue suivant à la metteur en scène, témoin de mes intuitions, sensations vis à vis de l'espace scénique:
"C’est un territoire scénique sans nom, ou presque. Son visage c’est un peu le sien, à elle : un pays déformé. Il ressemble surtout aux rêves échoués de Papa.
-"C’est un cimetière flottant?" - -"Disons un espace à l’écart, vide et plein à la fois. On y croise tout un peuple mais personne n’y vit vraiment."
-"Une boite de nuit, un bordel de l’Est alors?"
-"C’est un peu ça, une révolte qui cherche sa place entre le Rouge et le Bleu."
-"Une frontière, un discours? On y chante en quelle langue?"
-"Elle a oublié, mais quand la musique est forte Papa danse avec l’Europe."
-"Je croyais que le père on l’avait enterré! Une fête se prépare?"
-"Rien ne meurt vraiment ici, seulement chacun se demande si les étoiles vieillissent mieux à l’Est ou à l’Ouest...»
3- Intuitions au sujet du cadre scénique :
C’est le langage scénographique d’un huit clos entre Nicoleta et ses souvenirs, son No man’s land intérieur qu’elle cherche à franchir, détruire ou quitter. C’est donc un dispositif scénique à la limite de l’abstrait, une aire de jeux modulable où les objets et graphies s’amusent, déforment et reflètent les rêves et désillusions d’une époque: La sienne : l’URSS, la notre : l’Europe!
4 - Les recherches scénographiques :
J'ai esquissé diverses propositions scénographiques et variantes avec les graphies à l'honneur, dans la considération suivante : Que le changement d'alphabet (du romain au syrillic) a semer un trouble identitaire pour le personnage. Le plateau serait dès lors envisagé comme une sorte de jeux "chiffres et les lettres". Une manière ludique également de charier le titre du texte : FUCK you et FUNK you. Le parti pris de s'amuser de cette confusion... je pourrais développer longuement cette idée et son potentiel de jeux symboliques et politiques. Elle n'a pas été retenue.
Une autre plus esthétique était l'étoile au sol avec des statuettes de Lénine. Etoile a désagréger durant la chute de l'union soviétique.
5 - Scénographie retenue :
Suite à une phase laboratoire de jeu, ce qui était essentiel : représenter un espace innommable, un peu flottant. Un espace à plusieurs identités subtiles : le radeau, l'estrade de discours, la scène de concert, le pays perdu... les praticable se sont très vites imposés afin de créer un espace contenu, un peu enfermant, voir en déséquilibre. le plateau du théâtre hors praticable lui a pris le visage d'un certain vide, ou encore d'une étendue, comme la mer noire. le fond de scène habité d'un mur témoigne à sa manière du temps passé (tapisserie déchirée), il prend tantôt subtilement le visage de la chambre, de la maison, du pays, du mur frontière... l'Europe est finalement quant à elle simplement évoquée par des directions de regards vers la lumière, à la manière d'une idéologie rêvée. Elle s'invite aussi quand le mur s'ouvre. Elle s'incarne définitivement à la fin du spectacle par une enseigne lumineuse blanche qui s'allume. le plateau est alors totalement nu! Le mur a disparu! La metteur en scène a souhaitée cette enseigne asseptisée, sans mot, livide, seule avec le personnage. Le spectateur ne sait pas vraiment d'ailleurs si il s'agit d'une enseigne ou d'une petite fenêtre éclairée très haute au dessus du plateau, à laquelle le personnage s'adresse, seule. On dirait presque une prison de laquelle le personnage voudrait sortir. (Certes, une proposition d'enseigne type supermarché "liddle" fut testé. on l'a estimé trop concrète, bien qu'intéressante dans l'idée que lorsque les allemand de l'est arrivaient a passer à l'ouest c'était l'image la plus marquante et l'assurance d'être passé du bon côté du mur! Ainsi la scénographie demeure dépouillée, quasi sans objets, sinon des pommes de terre et drapeaux qui ont chuté. Seuls vestiges symboliques de l'ex-URSS. Le texte est très dense, la musique live discute subtilement grâce au musicien légèrement en retrait sur une passerelle qui laisse penser à un ailleurs au lointain. Il s'autorise cependant des moment de rencontre avec le personnage en se déplaçant dans son espace. Je ne sais pas si cette scénographie est réussie, mais elle nous a conduit ici. voir photos du spectacle.